La déesse du Sycomore

 

Senedjem et son épouse Iineferti parcouraient les chemins lumineux de l’au-delà depuis un certain temps déjà. Ils avaient déjà affronté de multiples périls dans la Douat, mais leur route s’annonçait encore bien longue pour atteindre les champs d’Ialou où ils pourraient vivre éternellement dans l’abondance.

Soudain, ils virent dans la lumière se dessiner la silhouette d’un arbre, un grand et majestueux sycomore. Nul part, de leur vie passée dans la vallée du Nil, ils ne virent un tel arbre ! Haut d’une quinzaine de mètres, le sycomore avait un tronc blanchâtre surmonté d’une luxuriante frondaison étalée. Il portait d’innombrables figues amassées en grappes devenant rouges à maturité.

Aussi, intrigués autant que fascinés, ils s’approchèrent respectueusement du sycomore. Lorsqu’ils touchèrent l’écorce qui frissonnait comme animé d’une énergie mystérieuse, une déesse leur apparut, émergeant soudainement du tronc de l’arbre. Elle était d’une incroyable beauté, son corps élancé et gracieux se confondait avec ce majestueux végétal. Une douce lumière et un parfum suave baignait les alentours.

Elle se pencha vers les deux voyageurs de l’au-delà et leur tendit une aiguière contenant l’eau pure et un plateau garni de pains et de gâteaux. Après s’être rafraîchis et rassasiés, Senedjem et Iineferti remercièrent la déesse du sycomore en récitant quelques prières et formules magiques qui leur permirent de poursuivre leur périple sur les beaux chemins de l’Occident.

 

Déesse du Sycomore

Scène provenant du tombeau de Senedjem (TT 1) – XIXe dynastie, Deir el-Médineh)

Cette vignette illustre le chapitre 62 du Livre des Morts qui nous enseigne que nous pouvons " boire de l’eau dans la nécropole ". Cette eau pure et vivifiante est celle de la crue annuelle du Nil par laquelle " tous les pères et toutes les mères " reviennent féconder le pays afin qu’il puisse revivre éternellement. Cette eau miraculeuse est contenue dans un vase rituel (hes) dont la déesse du Sycomore se sert pour verser le précieux liquide sur les mains tendues du défunt.

La bienveillance de cette déesse, que l’on assimile généralement à Nout ou parfois à Hathor, fait ainsi référence à son aspect maternel vis-à-vis du voyageur de l’au-delà.

01DIV08

sycomore photographié à Assouan (photo : Méryrê)

 

Il est assez étonnant, dans notre conception occidentale, que les défunts perçoivent les mêmes besoins que les vivants. Dans les croyances égyptiennes, la mort ne représentait qu’une étape transitoire, certes dangereuse, mais nécessaire pour accéder à la vie éternelle. Le défunt quittait ce monde « vivant » car il avait reçu tout ce dont il était nécessaire pour accomplir l’ultime voyage. Le corps préservé par la momification avait subi le rituel « d’ouverture de la bouche » qui consistait à réactiver symboliquement la bouche, les yeux et les oreilles.
Ainsi pourvu de tous ses sens, le voyageur de l’au-delà pouvait à nouveau percevoir le monde qu’il allait parcourir et profiter de toutes les nourritures célestes qui lui seraient offertes et qui étaient censées lui procurer une vitalité exceptionnelle afin qu’il puisse vivre à jamais.

Laisser un commentaire